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Richard Bernaer
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_Voyage entomologique*

Samedi 5 août:
Meymac, 7h30.
Rêve de la nuit:
"Je me glissais dans l'eau glacée du torrent.
M'effilais au fil de l'eau dans la nuit noire,
entre les ronces et les branches sans me griffer.
M'étirais doucement sous les aulnes et les
noisetiers,
avec les lentilles de lune pour me guider.
Basculais sans m'écorcher sur les pierres des
déversoirs,
comme des corps de poissons.
L'eau glacée était comme un pansement chaud sur mon corps nu. J'étais si
bien que je me croyais dans un liquide originel."

9h
Le stage commence.
Askolds annonce les grandes couleurs : les Arthropodes, élevage des insectes, piégeage des Coléoptères, chasse de nuit... et repas le soir au Splendid Hôtel! Le ton chaleureux-familial est donné. Paul Vignal entame
les généralité :
Arthropodes : du grec arthron : articulation, et podos : pied. 80% des espèces animales. Squelette externe, sur lequel viennent s'insérer des muscles. Epiderme sécrétant une cuticule rigide ou souple -calcifiée chez les Crustacées- imperméable et constituée en partie de chitine.
Les insectes ont une respiration externe. Les trachées s'ouvrent directement sur l'extérieur, ce qui permet des dépenses d'énergie folles -250 battements d'ailes à la seconde chez une abeille- mais limite en contrepartie la taille de l'animal.

Classification :
Arthropodes
Chélicérés Antennés
Arachnides 1 paire d'antennes 2 paires d'antennes:
Crustacés
6 pattes:Insectes + de 6 pattes :Myriapodes

Paul nous parle des papillons - sa passion!
Il en élève chez lui - des européens, des exotiques.

Un insecte sur dix est un papillon. Six fois plus de papillons nocturnes que diurnes.

Leurs ailes et leur corps recouverts d'écailles donnent le nom de l'ordre : les Lépidoptères.

Les couleurs sont produites soit par des pigments -les blancs et les rouges soit par les jeux de lumière sur les écailles -les bleus et les métallisés.

Certains papillons diurnes sont migrateurs -capables de traverser les mers! La Belle-Dame, le Vulcain, le Souci, la Piéride du chou.

Les femelles attirent les mâles à l'odeur -grâce à des phéromones- à plusieurs kilomètres de distance!

Paul nous conte l'anecdote de sa voiture magique qui, ayant transporté des femelles, attire des flopées de papillons sous l'oeil ébahi des touristes.

Les papillons s'accouplent tête-bêche, par l'extrémité de leur abdomen -ce qui a donné naissance à la légende des papillons à deux têtes!

Les chenilles!

Paul les aime. Les touche. Les caresse. Se brûle parfois -cruellement!
Jaune et noir : attention! couleur prémonitoire! Venin! Ne pas toucher! Comme les guêpes!

Les chenilles sont grasses. Mangent beaucoup. "Elles ne supportent pas la faim -nous confie Paul- meurent si elles ne sont nourries aussitôt."

Beaucoup sont soyeuses, douces... douces à toucher, douces à careser. Nous en caressons une!

 

C'est tout un art de les élever. Il faut veiller à la nourriture, l'ensoleillement, l'ombre, l'humidité. Faire attention à ce qu'elles ne soient parasitées par de petites guêpes, ne tombent dans les gobelets d'eau disposés pour les plantes... Tout un amour!

Quatre mues ... puis une dernière : la chrysalidation -cette métamorphose secrète où s'accomplissent de fabuleuses transformations. Le papillon sort ... gonfle ses ailes comme un ballon de baudruche.

Le coléoptériste Jean-Michel entre en scène. Un parler sobre et captivant.

Je repense à Coustauri, du Lycée Henri IV. Coustauri le grand fade qui n'avait de cesse de me répéter : "Faut étaler, faut étaler!" Avec l'austérité d'un moine

Ça m'avait dégoûté des insectes. Maintenant, j'y reviens. Inéluctablement.

Davignac,l3h.
Repas à la foire aux vins. Un coup de vent, une ondée. Gervais garnit les tables de trois bouteilles. Ça nous réchauffe.

Dans un sous-bois de hêtres,
l'après-midi.
Nous posons les pièges.
Ceux à vinaigre : un fond de vinaigre dans une bouteille en plastique étêtée, enterrés à ras du sol et recouverts de branchages, pour les carabes ou perchés haut dans les arbres, pour les cétoines.
Et celui pour les nécrophages : une nasse bricolée de bouteilles en plastique et emplie de crevettes avariées.
Les gens s'agglutinent autour de la viande en décomposition. C'est presque une grande émotion!


Prairie avoisinante.
Notes griffonnées :
Sauterelles : oviscapte long, grandes antennes. Omnivores ou carnivores.
Criquets : antennes courtes. Végétariens.
Salticides : araignées sauteuses qui se précipitent sur leur proie.
Taupins : sautent en l'air quand il sont sur le dos... et retombent sur leurs pattes.
Les sauterelles régurgitent (moyen de défense).
Petits Coléoptères orange aux élytres mous : famille des Cantharides.
Chrysomèles : forme arrondie, couleurs métallisées.
Les Araignées Crabes -Thomisides- jaunes et vertes, mimétiques, chassent à l'affût.
Les Nacrés : aspect nacré dû à l'air inclus sous les écailles.
Chiracanthium : grosse araignée verdâtre.
Conservation des araignées : alcool à 70% + 5% de formol.

JE CHERCHE MES ATTIRANCES ENTOMOLOGIQUES -COMME MES ATTIRANCES MYCOLOGIOUES ET BOTANIQUES.

Les sauterelles, les papillons diurnes; peu! Les nocturnes; oui! Les Punaises, les Diptères, les Coléoptères sur les Ombellifères; oui! Les Araignées; beaucoup!
Le Vérâtre ressemble à la grande Gentiane jaune.

Papillons : la femelle est dotée d'un tube mou au bout de l'abdomen; le mâle possède des éléments sclérifiés.

Faucheux : de l'ordre des Opiliones -du grec olopolos : échasses de berger. Se distinguent des Araignées par leur corps indivis. Ont la propriété d'autotomie (de s'auto-sectionner une patte pour échapper à une prédation).

Crachats de coucou : amas spumeux sécrétés et habités par des larves de Cercopes.

Le papillon Morio! Rapport avec l'Orchis morio?

Les araignées : digestion externe. Elles injectent leur salive dissolvante, la réabsorbent et rejettent l'enveloppe de leur proie : leur "momie"!

Asilides : mouches chasseresses qui se précipitent... et roulent au sol avec leur proie.

Les larves d'Acariens se font transporter par les faucheux : la PHORESIE.

Ruisseau. Notes griffonnées :



Accouplement des libellules.
Accouplement des libellules.
Les libellules bleues de mon enfance : les Agrions.
Les Porte-Bois : larves de Phryganes.
Les vers de vase : larves d'un moustique : le Chironome plumeux.
Les Gammares : Crustacés d'eau douce. Donnent la chair rose aux truites.
Des larves d'Aeschnes.
Des Callitriches.
Des Myriophylles.

La Littorelle.
La Renoncule grenouillette.

DU MOMENT QUE JE PEUX GRIBOUILLER, ÇA VA! DES NOMS D'INSECTES, DES NOMS DE PLANTES, N'IMPORTE QUOI!

Par contre, avec un bocal ou une épuisette à la main, je m'ennuie! Quel beau ruisseau à truites! Bordé d'aulnes et de noisetiers. Une eau limpide et brune -noire par endroits- où patinent les Gerris lacustres; où ondule la chevelure verte des Callitriches.

JE M'ACCROCHE AUX MOTS.
LES MOTS ME FASCINENT PLUS QUE LES INSECTES EUX-MÊMES!
QUE LES PLANTES ELLES-MÊMES!

Un intense désir de les vérifier ce soir dans les livres -ces amours de livres! De les intégrer à leur juste étymologie.

Place des Porrots, l9h.
Un tennis avec Yvan. Fanette grimpe sur l'espalier d'un bleu cru.

Splendid Hôtel, 20h3O.
J'ai la chance d'être assis en face de Paul.
J'en profite pour l'écouter... lui poser des questions anciennes de l'enfance.
"Comment s'appellent ces petites perles qui tournent sur l'eau à une vitesse folle?
- Des Gyrins.
- Pourquoi cette hécatombe d'Hydrophiles bruns un certain soir d'été sur les trottoirs de Marennes?
- Parce que les bestioles programmées ont confondu l'éclat gras du bitume mouillé avec la surface d'une mare.
- Pourquoi les insectes sont-ils comme fous avant l'orage?
- Parce que chaleur et humidité exacerbent les odeurs et qu'ils sont ivres de sexe et de nourriture.
- Pourquoi les insectes sont-ils attirés par les lumières, la nuit?
- Parce qu'ils se déplacent dans une direction constante à celle de la lune.
- Et cette manne des bords de Marne?... qui floconnait dans les lampadaires et jonchait le sol en un laiteux tapis qu'il faisait doux fouler.
- Les lampadaires! Une catastrophe!", s'exclame Paul.
... Et de conter l'histoire de "son lampadaire", de ce lampadaire que le maire voulait lui fourrer devant sa porte -prétextant la vieille dame les matins d'hiver!
Mais que Paul, lui, n'en voulait pas de ce lampadaire! ... Qu'il se proposait même d'emmener la vieille dame les matins d'hiver!

Paul récidive sur les chenilles, qu'il aime tant! Qu'il touche! Qu'il caresse! ...
Je l'interromps à brûle-pourpoint : « Vous touchez les chenilles, Paul ... comme les mycologues d'autrefois goûtaient les champignons... pour tester leur "comestibilité"! »

Dans le dortoir, 22h3O.
Yvan et Fanette regardent des livres de papillons. Je feuillette "Les Araignées", de Michel Hubert.


Dimanche 6 août :
Salle de cours, 9h5O.

Paul Vignal nous chante le ruisseau...

Les Agrions, les Demoiselles, les larves d'Aeschnes qui chassent à vue comme les crocodiles,les larves de Phryganes qui se maintiennent sous les pierres, dans les zones de non-courant,

les Gammares et les Gerris,

la fascinante Dolomède qu'on n'a pas vue,

la chaîne alimentaire des Diatomées, Callitriches, Myriophylles aux Phryganides, Cyclopes, Chiromes, jusqu'aux truites et à la musaraigne aquatique...

Film super-huit sur la larve d'Aeschne.

UN INTÉRÊT FORMIDABLE - RETROUVÉ!

Paul continue sur les attirances sexuelles chez les insectes : les Ephémères dansent, les Lampyres allument des lampes, les Grillons chantent, les Papillons répandent des fragrances et les Culex femelles -nos horribles moustiques! bourdonnent pour attirer les mâles qui ne peuvent les féconder que lorsqu'elles sont gorgées de sang!

Etang de Merlançon, l3h.
Notes griffonnées :
Ce même étang limpide de l'an passé -avec les pêcheurs qui prennent des carpes,les nymphéas roses, Fomitopsis pinicola, et la source affriolante auprès de laquelle nous pique-niquons- et où un ingénieur m'avait offert un gros cigare.

Syrphes : mouches qui volent sur place.

Les Pompiles : pondent sur les araignées après les avoir anesthésiées.

Araneus angulatus : une Epeire.

La Notonecte glauque et la Ranâtre linéaire dans les troubleaux.

LES INSECTES : UNE MANIÈRE DE PLUS D'INTÉGRER CE QUI M'ENTOURE DANS LE CHAMP DE MES PERCEPTIONS, DE MES ÉMOTIONS.
D'AGGLOMÉRER L'ENVIRONNEMENT DANS MON ÉCRITURE - COMME UNE ARAIGNÉE ENGLOBE UN INSECTE DANS SA TOILE.

Dans une lande de bruyères, l'après-midi.

Une bonne terre sèche et soyeuse. Beige, brune. Tinctoriale. Agréable aux mains et au corps. Douce.
Des larves de fourmilions! C'est étonnant, monstrueux, préhistorique... !
Ces petits cratères de terre mouvante qui se referment sur la fourmi jetée en pâture.

Des genévriers. Ouelques chênes rasés. Aira flexuosa; belle. Des tapis de mousse sèche, léchée de lichens vert laiteux.

Un petit Carabique noir sous une pierre. (Pas beaucoup d'amateurs pour ce groupe compliqué -à l'instar des petits champignons marron).

Des Nacrés, des Azurés. Des Phalènes, des Géomètres. Un Bombyx du chêne qui s'estompe à une vitesse folle.

Dans une prairie humide.

Les Cicadelles vertes s'éparpillent en pluies de perles bleues.

De magnifiques Epeires : l'Epeire diadème, l'Epeire des marais, l'Argiope fasciée.

Les jeunes araignées s'envolent au bout du fil qu'elles tissent elles-mêmes -au gré du vent et des courants aériens- et se posent en un entrelacs soyeux:les fils de la Vierge.

Une galle en ananas sur un Epicéa de Sitka.

Laboratoire, l9h.
Détermination -grâce à l'infatigable patience de Paul et à la clé Rémy Perrier d'Araneus angulatus. Un plaisir bien rond.

Splendid Hôtel, 20h.
Toute cette moulure au plafond! De mauvais goût. Inutile. Mais du labeur quand même.

Et toutes ces bêtes empaillées! Inutile. De mauvais goût. De très mauvais goût!

Tourbière du Longeyroux, 22h. Chasse de nuit.

Un rien fantomatique que ce drap tendu dans la lumière phosphorescente.

Les papillons arrivent par vagues.

Il fait bon, il fait doux, mais ces saletés de Simulies nous rongent le crâne et les joues. Plus on se gratte et plus ça les affriande! Plus on s'envoie des gifles et plus ça les excite!

Un groupe d'entomologistes s'estompe dans la nuit noire -poser des pièges à Carabes. Je me joins à eux.

Au fond d'un val, une nappe d'air froid me cueille -me surprend dans tout mon corps!- comme un courant froid dans une eau chaude. Askolds en profite pour nous dire que les Romains construisaient à mi-pente -ni dans les vals, ni sur les sommets!

De nouveau dans la lumière bleue, à danser comme des fantômes, les Simulies ont disparu. Les papillons arrivent de plus belle. Des Ecailles, des Bombyx, des Noctuelles. Des Phalènes, des Pyrales, des Géomètres. Les chauves-souris se mêlent à la danse.

Lundi 7 août.
Dans la cuisine, 7h30.

Le lait chauffe, le café chante. Askolds apporte les croissants, de tout le bleu sourire de ses yeux.

Laboratoire,9h.

Yvan et Fanette observent les papillons de la nuit sous les loupes binoculaires.

A partir des clés de famille -qui reposent sur la nervation des ailes- Paul me mène à Arctia caja, Noctua fimbriata, Lymantria monacha. Un intérêt énorme! Toutes ces teintes chaudes d'automne, ces chinés gris bruns. Ces formes feuilles mortes, ces veloutés ochracés - avec un Paul généreux! De la lignée des vrais naturalistes qui savent conter la nature comme une Histoire Naturelle.

Midi. Repas dans la bibliothèque.

Vaisselle avec Paul - Il connait Nabokov, lépidoptériste!

Meymac, l'après-midi. Temps libre. Un brin de courrier, de laboratoire, de tennis avec Yvan et Fanette.

Splendid Hôtel, 20h3O.
En face de moi, la jeune fille brune -qui a quelque chose de Marguerite dans le rond du visage et des pommettes, les cheveux mi-courts, en poils de balai, et surtout cette manière de garder la bouche entr'ouverte sur de belles dents régulières.
Elle prépare l'agronomie. Le train d'enfer et les colles existent toujours! -vingt ans après!

Salle de cours, 21h3O.
Jean-Marie nous offre un merveilleux montage diapositives sur les papillons -qui n'est pas sans m'évoquer "l'Escale au bord d'un rêve" de Maurice Chassain sur les Myxomycètes.

Le Demi-Deuil, le Moiré des Fétuques, le Cuivré écarlate, de la Verge d'or, l'Argus bleu nacré, le Grand Nègre des bois, le Vulcain, le Morio, le Flambé, le Miroir, la Mélitée noirâtre...

Mardi 8 août
salle de cours, 9h3O.
Conférence bredouillante du jeune Jean-Marie. Jean-Marie n'est pas Paul!
Il ne sait pas encore nous entraîner dans la magie de l'Histoire Naturelle -comme le fait si bien Paul, avec les mots d'une connaissance intégrée, d'une philosophie,d'un art de vivre.

Midi. Pique-nique au bord du petit lac du Mont Dessou.

Tourbière du Longeyroux, l'après-midi.
Notes griffonnées :

Photo d'un chaud moutonnement fauve des Graminnées -des Poas, des Fétuques, Aira flexuosa.
Sorbus aucuparia, partout le long des routes -densément chargé de grappes de fruits orange.
Les Meloidae : seuls Coléoptères qu'il ne faut pas toucher, car vésicants!

NOTER LES PLANTES, LES INSECTES, LES IMPRESSIONS... ET MALAXER LE TOUT - EN UNE ÉCRITURE MÉLÉE QUI PARTICIPE DU CARNET DE BORD, DU CROQUIS, DE LA DOCUMENTATION ET DU RÊVE.
UN ÉTAT DE GRÂCE DE L'ÉCRITURE!

Molinia caerulea -aux épis denses et serrés, fins allongés, violet noir, violacé noir argenté ; aux tiges flexibles comme des badines - Molinia caerulea ne danse pas, légère dans le contre-soleil, elle scille lourdement - souple et obscure. La Calune sent le miel.


Dans un chemin de hêtres. Relevé des pièges à Carabes. Les Carabes ne volent pas -nous conte Jean-Michel- d'où leur endémisme profond, leur évolution en vase clos et la profusion de sous-espèces, de variétés, de formes -voire de formes individuelles.

Un purpurascens. Des reflets bleu violet -qui peuvent être verdâtres, dorés ou bleu froid.

Un nemoralis, vert bronze -souvent bleu, noir pourpré ou bicolore. Espèces mélanisantes et cyanisantes de montagne -invoque Jean-Michel.

Ça y est! Je me crois chez les Corticaires! Eclatante affinité! -de par les teintes de nuit, envoûtantes, insaisissables et par l'immensité du genre, sa complexité -et la horde de passionnés à sa suite:
carabologues, cortinariologues : même folie!

« Les carabes, continue Jean-Michel -de la bouche de qui tout est roman sont des chasseurs nocturnes. Carabus monilis est responsable de deux grandes invasions au cours de temps géologiques.
Des Chrysomèles : les coccinelles sont hémisphériques, les Chrysomèles seulement arrondies. Des petits Carabiques... »

Un joli mot! Affinité phonologique avec Caraïbes.


PUISER DANS L'ENTOMOLOGIE, DANS LA BOTANIOUE POUR FAIRE ÉCLORE DES MOTS ET EN SEMER L'ÉCRITURE!

Dans une prairie. Le tour des bouses -des gâteaux!- comme disent Paul et Jean Michel. Des bouses fraîches -habitées de Staphylins et d'Aphodius fimetarius rouge et noir.

NOTER! MA MÉMOIRE NE FAIT PLUS CONFIANCE QU'AU CRAYON! UN TRAVERS? UNE
ADAPTATION?

Des crottes de mustélidés, étoilées d'élytres de carabes.
"Les excréments, les tas de fumier -comme les charognes, les dépôts d'ordures -sont des lieux de prédilection pour l'entomologiste."

Je me murmure dans la tête :"Chercheurs d'insectes... nécrophiles... scatophiles... "

Dans la futaie de hêtres.

Relevé des pièges à nécrophages.
Toutes les têtes sont penchées, les regards ébahis, les narines grandes ouvertes -sur la grouillance grasse, noire et orange des Necrophorus et Staphylinus. Un spectacle opulent.

Décrochage du piège à cétoines, haut perché dans les frondaisons. Ce n'est qu'une mélasse grise et vineuse -de papillons de nuit, de guêpes, de mouches, de moucherons... Et de me dire en moi-même : "Dire que les Anciens se badigeonnaient de vinaigre... pour se préserver des "subtils insectes de la peste.

"Deux carabes englués (les carabes montent chasser dans les arbres): Carabus problematicus -dotés de côtes en chaînons- et Carabus hispanus -pas d'Espagne! ... mais d'une bonne vieille petite ville française : Ispagnac, en Lozère.

Je raconte alors l'histoire de Cortinarius orellanus : "Pas de montagne! (oros en grec) -comme il est partout écrit- et surtout dans les officines.
Mais en référence lointaine et tortueuse au conquistador espagnol Francisco de Orellana -dont le patronyme fut longtemps attaché au fleuve Amazone et servit à nommer un arbuste -le Rocouyer : Bixia orellana -des graines duquel était extraite une teinture roux orangé lumineux- qui inspira le grand mycologue Elias Fries pour désigner le Cortinaire de la même couleur.

AH! LES MOTS ET LEUR ETYMOLOGIE DÉDALÉENNE! LEUR PARCOURS MAGIQUE ET ENCHANTÉ!

Retour dans la voiture de Paul.
« En Beys?... Tu as dit En Beys, Paul?... Tu connais En Beys?... Orlu, les Peyrisses, l'Etang Faury? ... Le Pic d'Esquine d'Ase? » Et voilà qu'on en parle, des Pyrénées ariégeoises ... et que monte en moi -comme une source opulente, comme une fragrance luxuriante- un bonheur trouble et profond.

Splendid Hôtel, 20h.
Isolé en bout de table. Une aubaine! -pour gribouiller et contempler les débiles installés à l'autre bout de la salle. Des "biens", des "mieux" -comme ceux des Goulevents qui venaient à Lancosme. EN PAYS DE CONNAISSANCE.

... Les débiles se sont fait beaux. Du rouge aux ongles, du bleu aux yeux pour cette fille qui ressemble à Klélia, du parme et du vert pour cette autre. Les garçons sont chemisés propre. Un événement pour eux! Une empathie pour moi!

J'aimerais les peindre, les dessiner. Leur visage m'inspire plus que tout autre visage. Leur histoire aussi. Une beauté se cache en eux. Une beauté non banale sans jamais la moindre suffisance!
Une beauté fragile et vacillante. Toute feutrée, toute rougissante! Toute tremblotante de l'affectif bafoué. Des souffrances hébétées, suspendues. De la détresse et de la joie des petits enfants. Du drame humain!

Salle de cours, 21h3O.
Topo de Paul sur les araignées.
Si l'on dégraisse les pattes d'une araignée, elle se prend dans sa propre toile. Les femelles sont de grands fauves -et les petits mâles doivent user de toutes les ruses et de tous les égards pour les féconder sans se faire dévorer : offrande de proies emmaillotées... application éclair et précise de leurs pédipalpes chargés de sperme sur les orifices génitaux de la femelle -pendant que celle-ci ouvre ses cadeaux.

Araignées terricoles -des terriers.
Araignées aquatiques -la Dolomède, qui se précipite sur l'eau pour attraper ses proies, et l'Argyromète, qui aménage une cloche à plonger au fond de l'eau.
Araignées vagabondes -celles qui sautent : les Salticides et celles qui chassent à courre : les Lycoses.
Araignées sédentaires -avec ou sans toile.
Araignées domestiques -les grosses noires : les Tégénaires (du grec ténos: toit, chambre), et les Pholques -au corps mince et pattes longues, qui tendent de discrètes toiles dans les recoins des murs, les angles de plafond.
Les araignées sont de véritables usines à soie. Des centaines de glandes et les filières produisent une soie liquide qui se solidifie à l'air et qui est travaillée par des calamistres et des griffes pectinées.
La Veuve noire est la seule araignée mortelle.

Mercredi 9 août
Rêve de la nuit : Une énorme libellule m'envoie des coups de son abdomen, m'attrape la tête dans sa pince anale - et m'enserre comme dans un étau.

Laboratoire, matinée.

Observations sous les lampes binoculaires. Bain d'eau de Javel pour les araignées -qui ne sont plus que transparentes dépouilles. Une ironie du sort!

Bort-les-Orgues. Panoramique sur la Dordogne. Sentier à flanc de falaise.
Des chênes rases, des prunelliers -Brachypodium pinnatum. Le royaume du Grand Sylvain, du Machaon et du Flambé.

Yvan et Fanette s'en donnent à coeur joie à courir après les papillons.

JE NOTE, JE GRIFFONNE...
EN APPUI SUR MA SACOCHE-PHOTO BIEN PLATE -QUI ME SERT DE TABLETTE AMBULANTE. UNE AUBAINE, UN PETIT BONHEUR QUE CETTE MIGNONNE SACOCHE!

Brintesia circe : un beau voilier noir. Le Flambé ressemble à un avion de chasse.Un papillon défraîchi est dit "marmité".

"Comment tenir une abeille par la tête sans se faire piquer?, nous montre Paul, il suffit de reconnaître que ce n'est pas une abeille ... mais une Eristale! Les truites l'adorent."

Les bourdons se repèrent visuellement. Les Philanthes aussi -Tinbergen l'a montré en déplaçant un caillou et une pomme de pin, points de repère pour la ponte. Un Argus bellargus. Magnifique! Bleu comme un papillon exotique!

INCLURE L'HISTOIRE NATURELLE DANS L'ÉCRITURE ET L'ÉCRITURE DANS L'HISTOIRE NATURELLE. A L'INSTAR DES NATURALISTES D'AUTREFOIS QUI PARTAIENT SUR LES BATEAUX ET S'ADONNAIENT A CE PLAISIR MANIAQUE DE LA COLLECTION D'OBJETS, D'ANIMAUX, DE PLANTES, DE NOTES Où SE MÊLAIENT ÉTATS D'ÂME ET OBSERVATIONS SCIENTIFIQUES.

l9h Lac de Sèchemailles
Dans le cratère d'eau brune, encaissé d'épicéas. Je plonge vers les nappes d'eau froide. Nulle angoisse d'être englouti. Une joie sauvage, ancienne, réminiscente. Une Paix trop oubliée.

Salle de cours, 21h.

Remarquable conférence de Paul : LES INSECTES ET L'HOMME ; quelques notes glanées :
- 400 millions d'années : apparition des premiers insectes
- 60 millions d'années : tous les genres sont en place.
- 2,2 millions d'années : l'homme.

Les rapports de l'homme avec les insectes étaient des rapports naturels d'espèces à espèces.

La manne des Hébreux n'était autre que les excréments de Cochenilles.
Certains insectes servaient à la fabrication de médicaments. Sutures avec des termites vivantes qu'on étêtait.
Des colonnes de fourmis -soigneusement dirigées- nettoyaient des villages d'Amérique du Sud.
Cétoines intégrées dans les parures. Scarabée sacré en Egypte.
Les rapports devinrent conflictuels avec le développement de l'agriculture -et des épidémies.
Peste : puce. Paludisme : moustique. Typhus : poux.

L'homme dominateur + chimie : Arsenic.
En 1940, utilisation du D.D.T.
Lutte biologique. Souvent des pièges à odeur, à phéromones. La mouche tsé- tsé est attirée par le noir. Elle est vivipare -elle donne naissance à un petit asticot. Découverte d'une hormone qui la fait avorter. Manipulation génétique en introduisant un code protéique toxique dans l'ADN d'une bactérie -laquelle transmet cette information génétique à une algue verte mangée par les larves d'Anophèles responsables du paludisme.

Jeudi 10 août
Dortoir, 6h. Le coq chante -comme tous les matins.

Salle de cours, 8hl5
Dernier jour de ce stage -plein, passionnant.
En tête des projets d'écriture : Voyage à Manosque / Voyage en Boischaut Sud / Reprendre ce voyage entomologique / Penser à Lenzites warnieri. Au cours sur les Phellinus. A Ganoderma resinaceum sur le chêne du Grand Bellefonds et au lucidum sur le marronnier de l'hôpital. Penser à "La Poétique de la nuance chez les mycologues." Commencer par les Cortinaires dans la Flore Analytique -pour la couleur. Continuer par les Inocybes pour le revêtement piléique. Penser à Rigidiporius ulmarius.

DES PROJETS D'ÉCRITURE : UN SIGNE DE BONNE SANTÉ.

Laboratoire,10h.
Observation de la microfaune du terreau -qui a fui dans le fond de l'entonnoir piège sous l'agression conjuguée de la chaleur et de la lumière. C'est fascinant! Un monde étrange, insoupçonné, monstrueux!, de Cloportes, Collemboles, Scorpions, Pseudo-Scorpions, Araignées, Staphylins, Carabiques... La perfection -des pièces buccales, griffes, antennes- dans le miniaturisé! Repas dans la bibliothèque. Magie bleue... Les cartes font la roue, les anneaux se lient et se délient, les cordes dansent comme des serpents... un chapeau pond un oeuf... sous les doigts d'Askolds...
... et nos regards ravis-ébahis!





l du même auteur ailleurs sur le site l
_Notes 1991-1998 (n° 4 - novembre 1998)


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